The White

Trail

Auteur
Stefan Michel
Copyright
Martin Bissig
Parution
AUTOMNE 2021
The White

Remonter la vallée du Zanskar à vélo en hiver ? C’est possible ! Une expédition suisse l’a fait. Moins facile, par contre, de se mesurer à l’Himalaya skis aux pieds…

Ils grelottent par -20°C, puis entrent en transe dès que les rayons du soleil arrivent à réchauffer leurs corps transis de froid. Le cycliste Claude Balsiger, le guide en formation Thomas Wäspe et le photographe Martin Bissig se sont lancés un défi pas banal : remonter la rivière gelée du Zanskar, dans l’Himalaya indien, durant l'hiver. Et Bouddha sait que l’hiver peut être violent par ici, le mercure dévalant fissa jusqu’à -30°C, -40°C certains jours de janvier. Pour Tundup, leur guide local, leurs porteurs et leurs cuisiniers, la sensation est habituelle. Eux savent que des pieds mouillés, ce n’est pas forcément dramatique, même à ces températures. Ce qui compte, c’est l’épaisseur de la surface : ne pas passer de l’autre côté du miroir. Pour palier à tout accident, Tundup contrôle ainsi sans cesse la qualité de la glace à l’aide d’un bâton.

Après 17 jours d'avancée à tâtons, l’expédition atteint la petite ville de Padum, Claude Balsiger à sa tête, comme à l’accoutumée. Les 160 kilomètres parcourus sur le Zanskar trouvent un nom : « The White Trail ». « C’est le plus incroyable tour à vélo de ma vie », s’enthousiasme l’aventurier, qui a pourtant déjà passé de nombreux mois en selle dans l’Himalaya. Le chef de district confirme : ils sont bien les premiers hommes à avoir rejoint Padum à vélo en roulant sur le Zanskar pris par les glaces.

Cette reconnaissance officielle en poche, le groupe continue son périple en direction de la crête principale de l’Himalaya, skis au dos. Des lattes, les moines bouddhistes en ont déjà vues. Mais des vélos de ce genre ? Jamais. Par deux fois, les Suisses et leurs accompagnants passent la nuit dans un monastère. Dans la nuit encore noire, les chants s’élèvent dans l’air endormi, engourdi, entrecoupés par le résonnement des tambourins et le claquement des cymbales. Moins attendue, moins éternelle : la stalagmite brune qui pousse dans les seules toilettes (turques) du plus gros monastère, habité en permanence par une cinquantaine de personnes…

L’altitude s’élève progressivement, tandis que Claude Balsiger et Thomas Wäspe continuent de s’enfoncer dans la vallée, seuls, skis aux pieds. Un premier col à 4’000 m se dessine, puis un autre, culminant à 5’090 m : le Shing-La, porte d’accès à l’Himachal Pradesh — la « province des montagnes enneigées », où s’est établi le dalaï-lama en exil, à Dharamsala. Il ne s’agit certes pas d’aller jusque-là ; en hiver, c’est presque impossible. D’ailleurs le Shing-La résiste. Thomas Wäspe est assailli de maux d’estomac, qui ne cessent de s’aggraver. Les deux acolytes marchent désormais la nuit, car le danger d’avalanche durant les journées, qui se sont nettement réchauffées, est devenu trop important. Puis, entre chutes de neige et vents violents, la visibilité se fait très mauvaise. Faut-il poursuivre sur cette étroite crête entourée de plusieurs centaines de mètres de vide ? Les deux compagnons montent la tente en attendant de meilleures conditions météorologiques. Peine perdue : le col ne sera pas pour eux.

L’heure du retour par le Zanskar a sonné. Début mars, la glace commence déjà à fondre. Il faut foncer pendant qu’il est encore temps, au risque de rester prisonniers de la vallée pendant plusieurs semaines. Les journées de 12 heures de marche s’enchaînent, malgré les troubles digestifs, les pieds en sang et les genoux enflés. Sept jours leur seront nécessaires, alors qu’à l’aller, pour le même trajet, il leur en avait fallu plus du double ! « Le voyage a été si intense que je n’aurais pas voulu en manquer un seul jour. C’était, sans aucune hésitation, le meilleur moment de ma vie. » résume Claude Balsiger.

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