Gilles Sierro

« Ne plus pouvoir skier ? Pire que la mort »

Auteur
Laurent Grabet
Copyright
David Carlier
Parution
27.12.2018
Gilles Sierro
Gilles Sierro
Gilles Sierro

Le grand public a fait sa connaissance en 2015 dans le film « 13 Faces du Valais » de son ami David Carlier. « Gilles le skieur » y descendait la vertigineuse face Est de sa chère Dent Blanche. Toujours prêt à une nouvelle folie, le guide et skieur de l'extrême hérensard s’explique sur l’étrange passion qui l’habite.

« La plus banale des journées de ski sera toujours plus belle que n’importe quelle autre journée… » D’emblée, Gilles Sierro avoue une passion qui le consume. De sa bouche même : une authentique addiction. À vrai dire, on ne peut guère être surpris : de son surnom (« Gilles le skieur »), connu de tous, à son t-shirt « Pray for snow », fièrement arboré, les indices ne manquent pas !
Le Hérensard, âgé de 39 ans, se confronte parfois à des pentes de plus de 55 degrés. Un univers impitoyable où la moindre chute a toutes les chances de conduire à la mort. Gilles Sierro le sait et l’accepte. « J’ai réfléchi en profondeur à tout cela », précise-t-il, avant d’ajouter, comme une évidence : « ne plus pouvoir skier serait pire que la mort ». Le plus déstabilisant pour lui ? L’accident grave, mais pas fatal, qui cloue dans un fauteuil et force à renoncer à l’appel de la montagne.
Gilles Sierro n’est pas fou, ni même tête brûlée. Il ne prend pas de risque inutile. « Je ne fais pas du ski extrême pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit – ni d’ailleurs à moi-même. En fait, je n’aime pas trop cet adjectif ‘extrême’, qui suggère une montagne fantasmée. Je veux juste vivre l’intensité rare inhérente à ces moments-là… » La fierté est présente, bien sûr, lorsqu’il réussit une descente « raide, directe et expo », comme celle de la face Est de la Dent Blanche en juin 2013. « Cela faisait huit ans qu’on en rêvait avec Olivier Roduit et Yannick Pralong, chaque matin, chaque fois que l’on regardait par la fenêtre. Mais nous avons attendu deux jours pour gonfler les pectoraux et révéler l’affaire. » Difficile de se dégager du miroir aux alouettes, mais Gilles Sierro sait résister. « Cette phase égotique d’après-exploit est dangereuse ; c’est elle qui pousse dans la fuite en avant et vers la faute », explique-t-il. Ce piège est devenu classique. Avec la place grandissante des réseaux sociaux, « faire savoir » semble être devenu plus important que « faire ». Plusieurs sportifs extrêmes en sont morts. Gilles Sierro a trouvé sa solution : pour éviter toute pression délétère, il a toujours refusé de toucher de l’argent de ses sponsors pour se lancer dans telle ou telle autre descente.

Un plaisir quasi mystique
Exit la gloire. Le véritable moteur de Gilles Sierro réside dans le plaisir quasi mystique qu’il ressent dans les pentes vierges. À la montée comme à la descente. Ce qu’il apprécie plus que tout ? La concentration intense qui l’envahit, le quotidien qui s’évapore devant la beauté des cimes, la communion avec elles – et une fulgurante clairvoyance, « un peu comme ce que doit ressentir un grimpeur qui fait du free solo ». La notion du risque reste palpable, mais enfouie au fond des tripes. « De telles descentes exigent d’être affuté physiquement, techniquement mais aussi et surtout mentalement. En réalité, c’est aussi une descente en soi en quête de ses limites… » (...)

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